Protocole d’entente entre la CECC et l’Assemblée des premières nations

lundi le 29 novembre 1999

M. Phil Fontaine, Chef
National Assemblée des Premières Nations
1, rue Nicholas
Ottawa, ON

Cher Chef Fontaine,

En 1975, la Conférence des évêques catholiques du Canada, par l’intermédiaire de son Service des éditions, commandait des oeuvres d’art à 20 artistes canadiens, dont huit autochtones. Parmi ceux-ci, on retrouvait M. Stanley Peters de Whitehorse, un Athapaskan d’origine Tlingit qui a sculpté dans un peuplier un totem de 9 pieds et demi par 6 pieds et demi, auquel il a donné le nom de Totem Cross/Croix totémique.

Dans la brochure Collection d’art (Ottawa, © 1976, p.58), publié par la Conférence épiscopale du Canada, M. Peters décrit ainsi cette oeuvre d’art :

L’oeil de Dieu veille depuis les quatre extrémités de la croix ; il signifie que la divinité est partout et toujours présente autour de nous. Le noir, le jaune, le rouge et le blanc, couleurs empruntées à la nature, représentent les races humaines et se retrouvent dans le cercle symbolisant la terre et sur tout le corps de l’aigle. Le Christ-Aigle, en donnant sa vie pour nous, ramène le bonheur et la compréhension entre les hommes ; il nous pénètre d’une nouvelle dignité et d’une grande plénitude.

Les nombreuses entailles nous rappellent le temps jadis où, en guise de hache, dont on ignorait encore l’existence, on utilisait l’ivoire et la pierre. Le noir provient du charbon des feux de camp ; le blanc, de la cendre volcanique ; le rouge, de l’argile des berges de la rivière.

Parmi les nations autochtones de la côte du Pacifique, le totem constitue un testament à l’endroit des ancêtres d’un clan familial, dépeignant sa dignité et ses réalisations ainsi que ses droits et privilèges. Au Québec et en Europe, une croix de chemin indique l’endroit où les membres d’une communauté se réunissent pour se rencontrer et prier, ou souvent même, pour commémorer un moment important de leur histoire communautaire.

À l’occasion de la signature du Protocole d’entente entre l’Assemblée des Premières Nations et la Conférence des évêques catholiques du Canada, la croix totémique symbolise parfaitement les racines et la dignité des peuples autochtones, tout en rappelant leurs réalisations, leurs droits et leurs privilèges. Elle souligne la rencontre de deux grandes traditions spirituelles – autochtone et chrétienne – qui se rejoignent dans la reconnaissance et l’adoration de l’Être Suprême, qui, à la fois, nous habite tous et nous dépasse tous, qui nous devance tous et nous convoque tous en sa présence.

Se référant à la croix totémique, Jaroslav Pelikan mentionne dans son plus récent livre, intitulé «The Illustrated Jesus through the Centuries» (New Haven, Connecticut: Yale University Press, © 1997, p.241) que:

Les totems du nord-ouest du Pacifique rappellent aux visiteurs […] les croix de chemin. […] En combinant les deux, Stanley Peters place un Jésus totémique sur une croix pour communiquer le mystère du Christ, l’homme qui appartient véritablement au monde.

En proclamant le don de vie et la Bonne Nouvelle libératrice de Jésus-Christ, nos ancêtres européens ont utilisé une approche qui était parfois étroite et sévère. Dans leurs efforts pour sauvegarder la lumière, ils ont quelquefois échoué «car le fruit de la lumière s’appelle : bonté, justice et vérité» (Ep. 5, 9). La situation s’est répétée également dans les relations avec les autochtones. À la veille du 2000eanniversaire de la naissance du Christ, la croix rappelle à chaque génération que le mystère du Verbe qui s’est fait chair est ce même Dieu qui nous fait passer de la mort à la vie, du mal à la bonté, de la faiblesse à la force, de la peur à l’espérance, du péché à la grâce.

Dans un livre publié en Allemagne et intitulé «Jesus: 2000 Jahre Glaubens – und Kulturgeschichte» (Jésus 2000 ans d’histoire de la culture de la foi, par Ida Friederike Görres, Wilhelm Siehr, David Flusser, et autres ; Freiburg: Herder, 1999, p.201), la croix totémique est également évoquée comme une illustration de la présence de Jésus dans la culture autochtone.

Durant sa visite au Canada, en 1984 (allocution au Sanctuaire des Martyrs canadiens, à Huronia, en Ontario, le 15 septembre), le Pape Jean-Paul II nous a rappelé :

[…] le rôle qu’ils (les autochtones) jouent, non seulement dans la trame multiculturelle de la société canadienne, mais aussi dans la vie de l’Église catholique […] Ainsi, la vraie foi s’exprime de différentes façons. Il ne saurait être question d’affaiblir la Parole de Dieu ou de dépouiller la Croix de sa puissance mais, bien au contraire, de placer le Christ au centre même de toute culture. Dès lors, non seulement le christianisme est-il très valable pour les peuples indiens, mais le Christ, par les membres de son corps, est lui-même un indien.

Bientôt le monde sera invité à franchir les portes du Grand jubilé. Cette croix totémique témoigne devant le Grand Esprit de l’espérance et de la prière des membres de la Conférence des évêques catholiques du Canada et l’Assemblée des Premières Nations. Que la présence de l’Esprit Saint fasse que notre rencontre d’aujourd’hui ouvre la voie à une nouvelle ère qui, comme le souligne le Protocole d’entente, sera marquée par «la collaboration et le dialogue».

Chef Fontaine, avec l’oeil de Dieu pointant dans les quatre directions, je vous présente, au nom de la Conférence des évêques catholiques du Canada, cette reproduction de la croix totémique sculptée par Stanley Peters et photographiée par Thomas E. Moore de Toronto.

Sincèrement vôtre dans le Christ,

Gerald Wiesner, o.m.i.
Évêque de Prince George
Président
Conférence des évêques catholiques du Canada


Source : Sylvain Salvas
Directeur du Service des communications
Conférence des évêques catholiques du Canada
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