Rapport du président : Assemblée plénière 2005

dimanche le 18 septembre 2005

Chers frères évêques, chers invités et membres du personnel,

  1. Contexte des activités de la Conférence pendant la dernière année

Dans quelques semaines, l’Église célébrera le quarantième anniversaire de la clôture du concile Vatican II, qui s’était ouvert le 11 octobre 1962 avec le pape Jean XXIII pour se terminer le 8 décembre 1965 sous le pape Paul VI. En réfléchissant à ces quarante dernières années, on peut relever une différence frappante. Les médias parlent rarement aujourd’hui de « société juste » ou de « renouveau de la société » ou de « grande société », comme ils le faisaient si souvent dans les années soixante et soixante-dix. Les manchettes et les titres de livres parlent plutôt aujourd’hui d’ « affrontement des civilisations » et de « menaces à la civilisation ». Ces enjeux ont une portée et une profondeur qui dépassent le cadre d’une seule société. Ce qui est devenu aujourd’hui une préoccupation particulièrement pressante, et c’est nécessairement vrai aussi de l’Église, ce sont les valeurs et les principes qui animent et inspirent les civilisations, qui façonnent et déterminent le langage et les images qui dominent l’actualité.

Au début de son pontificat, lors de sa première audience générale, le 27 avril dernier, le pape Benoît XVI a expliqué qu’il avait choisi son nom « pour me rattacher en esprit au vénéré Pontife Benoît XV, qui a guidé l’Église au cours d’une période difficile en raison du premier conflit mondial » et aussi pour évoquer « le grand Patriarche du monachisme occidental », saint Benoît, « rappel puissant des incontournables racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation ».

Dans un discours récent, le 8 septembre, alors qu’il s’adressait aux évêques du Mexique dans le cadre de leur visite ad limina, le pape a affirmé que l’Église se trouve aujourd’hui au sein d’ « une nouvelle culture ». Il s’ensuit, dit-il, que les aspirations profondes à consolider une culture et des institutions démocratiques et socio-économiques reconnaissant les droits de l’homme et les valeurs culturelles du peuple doivent trouver un écho et une réponse claire dans l’action pastorale de l’Église. D’où la nécessité, soulignait expressément le Saint Père, « d’une formation complète des différents milieux ecclésiaux ».

Même si je ne veux pas être de ceux qui annoncent « la fin de la civilisation », il me semble que le débat sur les valeurs fondamentales de la civilisation offre à notre Conférence un cadre et une perspective utiles pour revenir sur l’année écoulée et poursuivre l’examen de ses activités et de ses services. Nous avons en effet entrepris cet exercice lors notre dernière Assemblée plénière, quand nous avons examiné la façon de mieux administrer nos finances et nos ressources, notamment les bureaux de notre Conférence.

La question qui se pose cette année est encore plus fondamentale : quelle forme souhaitons-nous donner aux structures épiscopales de notre Conférence afin de pouvoir, en tant qu’évêques du Canada, réagir de manière plus efficace aux questions pastorales urgentes?

On a deux exemples de telles questions pastorales urgentes dans la redéfinition du mariage, d’une part, et dans l’exploitation et la « marchandisation » constante de l’humanité –abus du commerce mondial, fossé de plus en plus profond qui sépare les riches des pauvres, prétexte du profit pour justifier le déploiement technologique quels qu’en soient les coûts humains ou écologiques. Pour citer le Compendium de l’enseignement social de l’Église (Nº 334), récemment publié (en anglais) et qui fait écho à l’Encyclique Sollicitudo Rei Socialis du pape Jean-Paul II : « c’est ce qu’on appelle la civilisation de consommation ou le consumérisme ».

Lorsque le projet de loi C-38  a été adopté, en juillet dernier, par la Chambre des Communes, je n’ai pas hésité à dire dans ma déclaration que

 … C’est aussi l’avenir du mariage comme institution sociale fondamentale qui est en jeu, de même que l’importance pour la société du rôle irremplaçable d’un mari et d’une épouse dans la conception et l’éducation des enfants…

 … Canadiennes et Canadiens sont témoins d’une dangereuse dégradation des valeurs qui leur sont communes.  Ce déclin préoccupant de la sauvegarde du bien commun s’observe aussi dans la croissance des échecs matrimoniaux et du nombre d’avortements, et dans la décroissance du nombre de naissances.

Notre Assemblée plénière pourra commencer à sonder les ramifications de la nouvelle législation, qui obscurcit et affaiblit l’engagement mutuel d’un homme et d’une femme dans le mariage, relation fondamentale qui s’est avérée la plus porteuse pour la construction de la société et la survie de la civilisation. En outre, le Bureau de direction invite les assemblées épiscopales régionales et les archevêques métropolitains à veiller à ce que leurs lois provinciales et territoriales sur la solennisation du mariage, comme dans les domaines de l’éducation et des droits de la personne, accordent une protection adéquate à la liberté de religion et à la liberté de conscience.

Pour traiter de l’exploitation et de la marchandisation de l’humain, notre Conférence continue de recevoir l’aide précieuse de l’Organisme catholique pour la vie et la famille (OCVF) et de la Commission des Affaires sociales, notamment du nouveau secrétariat qu’elle partage avec la Commission pour l’Évangélisation et le Conseil pour la réconciliation avec les peuples autochtones, soit l’Office « Justice, paix et missions ». Avec l’aide de ces deux organismes, la CECC s’est engagée cette année et continuera de s’engager sur des questions comme la recherche sur les cellules souches de l’embryon, les technologies de reproduction humaine, le commerce équitable, la mondialisation, la pauvreté globale et l’accès à l’eau.

{mospagebreak title=2. Activités du Président et du Bureau}

2.      Activités du Président et du Bureau

Outre les interventions et réflexions sur la redéfinition du mariage, notons quelques autres activités qui ont mobilisé le Président et le Bureau de direction au cours de la dernière année :

{mospagebreak title=3. Relations et Communion}

  1. Relations et Communion

En passant en revue l’année qui vient de s’écouler, je voudrais signaler trois autres développements qui illustrent la collaboration entre notre Conférence et d’autres organismes d’Église.

Au lendemain de la nouvelle tragique, fin décembre, du tsunami qui a si gravement frappé l’Asie du Sud-Est, notre Conférence a travaillé main dans la main avec l’Organisation catholique canadienne pour le Développement et la Paix (OCCDP) en lançant un appel aux diocèses, aux organismes catholiques et à tous les fidèles afin de contribuer aux secours d’urgence et au développement à long terme. En tout, on a recueilli 19,7 millions de dollars, extraordinaire témoignage de générosité de la part des catholiques canadiens. NN.SS. Luc Cyr et Martin Currie, représentants de la CECC au conseil national de Développement et Paix, présenteront ici un peu plus tard un rapport plus détaillé à ce sujet.

Pour souligner la Journée mondiale des malades et la récente restructuration de l’Association catholique canadienne de la santé (ACCS), et en pensant aux changements qui affecteront la direction de nombreuses institutions catholiques de soins de santé, le Conseil permanent a publié, le 11 février, une lettre pastorale sur les soins de santé et l’Église catholique au Canada. La rédaction de cette lettre a bénéficié de la contribution de Mgr James Wingle, qui représente la CECC auprès de l’ACCS, de Mgr Pierre Morissette, alors président de l’OCVF, et de la Commission de théologie.

Avec l’autorisation du Conseil permanent, le 10 juillet, la CECC a publié un décret de promulgation et les Ordonnances pour l’application au Canada de la Constitution apostolique Ex Corde Ecclesiae, sur l’identité et la mission des collèges et universités catholiques. Lancé par une consultation des membres de la CECC et de la Commission pour le Droit canonique/inter-rites, le projet a comporté une série de conversations avec la Congrégation pour l’Éducation catholique, les recteurs et directeurs des institutions qui font partie de l’Association des collèges et universités catholiques du Canada (ACUCC), et Mgr Terrence Prendergast, S.J., qui était jusqu’à tout récemment notre lien épiscopal avec l’ACUCC. Il est déjà manifeste que les Ordonnances vont inspirer un processus soutenu de dialogue et de réflexion, qui est désormais confié à Mgr Thomas Collins, notre nouveau représentant auprès de l’ACUCC.

Lors de sa visite à la synagogue de Cologne, le 19 août, le pape Benoît a déclaré : « Notre riche patrimoine commun et nos relations fraternelles inspirées par une confiance croissante nous incitent à donner ensemble un témoignage encore plus unanime, collaborant sur le plan pratique pour la défense et la promotion des droits de l’homme et du caractère sacré de la vie humaine, pour les valeurs de la famille, pour la justice sociale et pour la paix dans le monde. » Par ailleurs, le pape faisait remarquer que « le dialogue, s’il veut être sincère, ne doit pas passer sous silence les différences existantes ou les minimiser: précisément dans ce qui nous distingue les uns des autres à cause de notre intime conviction de foi et, en raison même de cela, nous devons nous respecter et nous aimer mutuellement ».

Les relations œcuméniques et interreligieuses ont joué un rôle essentiel dans l’engagement de la CECC depuis Vatican II. Elles comprennent les dialogues œcuméniques, les consultations interreligieuses, la collaboration avec le Conseil canadien des Églises, la participation à un certain nombre de coalitions œcuméniques, notamment aujourd’hui à KAIROS – Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice, et au Conseil des Églises pour la justice et la criminologie. J’attire votre attention sur ces activités car une partie de notre effort de réflexion, lors de la présente Assemblée plénière, visera à trouver des moyens plus efficaces d’y participer, en favorisant la réception et la discussion dans la grande communauté ecclésiale, en évitant de faire double emploi et en nous concentrant sur les questions et les enjeux qu’il faut traiter en priorité compte tenu de nos ressources et à la lumière des défis sociaux et pastoraux auxquels nous sommes présentement confrontés.

Tout en examinant comment être plus efficaces et plus efficients dans notre collaboration œcuménique et interreligieuse, nous devons aussi reconnaître le travail de nos commissions nationales pour favoriser, encourager et gérer ces diverses expressions de communion – parmi les organismes catholiques, la Commission pour l’Évangélisation et la Commission pour les Relations avec les associations du clergé, de la vie consacrée et du laïcat; et parmi les organismes œcuméniques et interreligieux, la Commission pour l’Unité chrétienne, les relations religieuses avec les Juifs et le dialogue interreligieux, et la Commission pour les Affaires sociales. Je tiens aussi à dire clairement que la décision des évêques du Canada de réexaminer ces relations ne vise nullement à en réduire l’importance mais bien à renouveler et à rajeunir notre engagement.

Trois autres questions ont trait à notre ministère épiscopal, qui est au service de la communion et de l’unité. Au cours de notre Assemblée plénière, nous aurons l’occasion de réfléchir au prochain Synode des évêques sur l’Eucharistie, source et sommet de la vie de l’Église. Ce Synode clôturera l’Année de l’Eucharistie et contribuera, d’une certaine façon, à préparer le Congrès eucharistique international de 2008, qui se déroulera à Québec. Mais cultiver la communion, c’est aussi regarder en face le péché et les torts qu’il cause à la communion. Notre Assemblée plénière discutera d’un projet de décret sur le Sacrement de Pénitence ainsi que de l’opportunité pastorale d’une réflexion permanente sur la guérison des séquelles de la violence sexuelle chez les victimes, pour l’ensemble de nos fidèles comme pour les ministères de l’Église.

{mospagebreak title=4. Des défis constants}

  1. Des défis constants

En plus d’examiner et de redynamiser nos structures épiscopales, notre Conférence doit revenir sur certaines questions non encore résolues ayant trait à la dotation de personnel. Nous espérons, dans les semaines qui viennent, pouvoir nommer un successeur à feu le Père Richard Côté, O.M.I., au poste de directeur du Bureau des relations ecclésiales et doctrine. Nous allons aussi combler le poste d’adjoint au même bureau. Par ailleurs, nous cherchons également à remplacer M. Joe Gunn, qui a récemment décidé de quitter ses fonctions de directeur du Bureau « Justice,  paix et missions ». Il est toutefois encourageant de relever que des personnes bien qualifiées ont comblé d’autres postes; en décembre dernier, Mme Micheline Dubé a été nommé directrice du Service de l’administration, et plus récemment, deux nouvelles employées se sont jointes à l’OCVF et au Bureau « Justice, paix et missions » : Mme Lea Sevcik et Mme Julia Novitskaia.

En outre, dans le cadre des efforts que nous faisons pour favoriser ce que le pape Benoît a appelé la « formation complète des différents milieux ecclésiaux », notre Assemblée plénière examinera le NORE (National Office for Religious Education), travail qui pourrait avoir des retombées, directes ou indirectes, sur le Service des Éditions de la CECC.

Les examens et les restructurations ne sont rien de nouveau à la CECC. Il y a eu d’importants exercices de réflexion sur les structures de notre Conférence de 1964 à 1966, à la lumière des priorités de Vatican II; puis en 1972, en vue de la régionalisation notamment; et plus récemment, de 1986 à 1989, avec le Groupe de travail sur les futures orientations, qui a mis l’accent sur la subsidiarité et la collégialité.

L’examen actuel de la CECC se situe dans le contexte d’un défi permanent que nos prédécesseurs ont dû affronter avec créativité et avec courage, de même que la volonté de renouveau et de réforme fut aussi à la base du Deuxième Concile du Vatican. La vision d’espoir et la promesse d’une vie renouvelée que le Concile a offertes au monde n’ont été possibles que parce que les Pères du Concile ont accepté de scruter les structures de l’Église afin d’en identifier les éléments essentiels dans toute leur intégrité et d’assurer ainsi la plénitude du service à rendre à l’humanité. Un défi analogue se pose à nous comme Conférence au sujet de nos propres structures. Il convient donc, en terminant, de citer ici les paroles de Paul VI, le 8 décembre 1965, lors de la clôture du Concile:

Moment unique que celui-ci ; moment d’une signification et d’une richesse incomparables! En cette assemblée (…), en ce point privilégié du temps et de l’espace, convergent à la fois le passé, le présent, l’avenir. Le passé : car c’est, ici réunie, l’Église du Christ, avec sa tradition, son histoire, ses Conciles, ses Docteurs, ses Saints. Le présent : car nous nous quittons pour aller vers le monde d’aujourd’hui, avec ses misères, ses douleurs, ses péchés, mais aussi ses prodigieuses réussites, ses valeurs, ses vertus. L’avenir est là, enfin, dans l’appel impérieux des peuples à plus de justice, dans leur volonté de paix, dans leur soif, consciente ou inconsciente, d’une vie plus haute : celle que précisément l’Église du Christ peut et veut leur donner.

Chers frères évêques, l’heure n’est pas à la nostalgie ou à la rétrospection car il s’agit de fixer de nouveau notre attention sur notre ministère comme évêques et sur les objectifs de notre Conférence. En suivant l’exemple du Concile, et des évêques du Canada au lendemain de Vatican II, faisons preuve de créativité et de courage pour rénover et renouveler les structures de notre Conférence afin qu’elle devienne pour nous, évêques du Canada, une ressource plus efficace qui nous aide à annoncer aux hommes et aux femmes de ce temps la vérité salvifique de Dieu, dans toute sa pureté et son intégrité, dans toute son urgence et son efficacité.


Source : Sylvain Salvas
Directeur du Service des communications
Conférence des évêques catholiques du Canada
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