Bienheureuse Émilie Tavernier-Gamelin (1800-1851)
Fête liturgique : 24 septembre
Vie
Émilie Tavernier est née à Montréal le 19 février 1800 sur une terre nommée «Terre Providence», appartenant aux Hospitalières de l’Hôtel-Dieu. Elle est la dernière des quinze enfants d’Antoine Tavernier et de Marie-Josephte Maurice. À quatre ans, Émilie perd sa mère et est confiée à sa tante paternelle Marie-Anne qui avait épousé Joseph Perrault, un riche commerçant de Montréal. Elle a quinze ans à la mort de son père, et elle est confiée à la tutelle de son frère François. Lorsque ce dernier devient veuf, trois ans plus tard, elle se porte à son secours. À vingt ans, on la retrouve à Québec où elle passe quelques mois pour aider une parente malade.
En 1823, Émilie épouse Jean-Baptiste Gamelin, un pomiculteur dont elle partage les travaux, les aspirations et l’amour des pauvres. Trois enfants naissent, mais ce bonheur est vite assombri par le décès de deux enfants, de son époux et de son dernier enfant. Sur son lit de mort, Jean-Baptiste lui lègue, en souvenir de leur amour, le soin d’un déficient mental dont il s’était occupé depuis qu’il lui avait sauvé la vie.
Seule, à vingt-huit ans, loin de se replier sur sa souffrance, Émilie se met à accueillir les pauvres sans ressources qu’elle rencontre ou qui viennent à elle. Sa maison devient la leur, et elle multiplie les refuges pour abriter leur indigence. Femmes âgées, orphelins, prisonniers, immigrés, sans-travail, sourds-muets, aveugles, jeunes ou couples en difficultés, handicapés physiques ou intellectuels connaissent bien sa résidence. Partout dans la ville, on la nomme spontanément «La Providence des pauvres».
Elle participe aussi aux corvées annuelles et aux bazars organisés dans la ville pour aider les pauvres durant l’hiver. Durant les troubles de 1837-1838, elle sera la seule autorisée à visiter chaque semaine les prisonniers incarcérés au Pied-du-Courant. Elle prie avec eux, leur apporte des vivres, du tabac et la correspondance qu’on lui a confiée. Cette activité lui vaut d’être appelée «l’ange des prisonniers politiques». Elle s’entoure de parentes et d’amies pour la seconder et constitue avec elles une Corporation civile, en 1841, L’Asile de la Providence. Quinze années durant, elle multiplie ses actes de dévouement, sous l’oeil approbateur des évêques de Montréal, Jean-Jacques Lartigue et Ignace Bourget. Ce dernier souhaite voir des oeuvres comme la sienne s’implanter dans toutes les paroisses de son diocèse.
Lors de son voyage à Paris en 1841, par souci d’assurer la permanence de l’oeuvre de madame Gamelin, Mgr Bourget invite les Filles de Saint Vincent de Paul à la prendre en main, et à établir les bases d’une communauté religieuse. Alors que s’élève l’édifice qui doit les accueillir, grâce à des dons recueillis auprès de la population, ces religieuses reviennent sur leur promesse, ce qui oblige l’évêque à recruter lui-même les futures religieuses pour une nouvelle communauté.
Consciente qu’elle ne pourra, en marge de la communauté naissante, pour suivre l’oeuvre à laquelle elle s’était consacrée par voeu, Émilie se joint au groupe des premières religieuses. Elle fera avec elles sa profession religieuse, le 29 mars 1844. La fondatrice sera aussi supérieure. La communauté naissante connaîtra des heures sombres au fil des difficultés financières et des épidémies qui la frapperont, mais aussi quand l’évêque Bourget prêtera l’oreille aux dénonciations d’une religieuse ombrageuse et mettra en doute la bonne volonté de la fondatrice.
Mère Gamelin succombe en vingt-quatre heures au choléra, le 23 septembre 1851. Ses filles recueilleront sur ses lèvres mourantes, son ultime testament: humilité, simplicité, charité, surtout charité. Le pape Jean-Paul II l’a proclamée bienheureuse le 7 octobre 2001.
Sept ans après ses débuts, la communauté des Soeurs de la Providence comptait cinquante membres. Depuis 1843, 6142 jeunes filles se sont engagées à la suite d’Émilie Tavernier-Gamelin. On les retrouve aujourd’hui au Canada, aux États-Unis, au Chili, en Argentine, en Haïti, au Cameroun, en Égypte, aux Philippines et au Salvador.
Spiritualité
La spiritualité d’Émilie s’inspire de la charité et de la compassion à l’égard des pauvres. Dès ses premières années, sa mère l’initie à la charité en lui confiant le soin de remettre les aumônes aux pauvres qui viennent frapper à la porte des Tavernier. Lorsqu’elle vivra auprès de son frère François, elle continuera ce ministère de compassion en dressant chez lui une table toujours prête à accueillir les mendiants qui se présentent, une table qu’elle nomme: « la Table du Roi ».
La confiance en la Providence marque la vie spirituelle de cette époque. Lorsqu’elle est accablée par la souffrance et le deuil, Émilie trouve dans la Vierge des Douleurs le modèle qui orientera toute sa vie! Sa prière et sa contemplation de la Vierge au pied de la croix – une image que lui avait donnée son directeur spirituel après ses deuils successifs – lui inspire une charité compatissante pour toutes les souffrances.
Sans calculer, elle répond aux appels imprévus et répétés dans lesquels elle découvre, la voix, le visage et la volonté du Seigneur. Sa foi se vit au fil des événements et elle compte sur la Providence pour trouver les moyens d’y répondre. Lorsqu’elle quête dans les hôtels pour se procurer la nourriture nécessaire pour ses pauvres, elle fait une station à l’église Notre-Dame pour une prière fervente et il n’est pas rare qu’on l’arrête sur la rue pour lui remettre une offrande qu’elle reçoit comme une réponse à sa prière.
Mère Gamelin a rendu d’éminents services aux plus démunis, en dépit d’une santé fragile, dans des circonstances difficiles et avec peu de ressources matérielles. Son amour pour les plus abandonnés est plus qu’un geste humanitaire, c’est un service chrétien où le désir de porter le Christ à tous ceux qui souffrent va de pair avec le désir d’apaiser la souffrance physique ou morale. Lorsqu’elle initie ses aides au service de ces femmes souvent peu gratifiées par la nature, elle veut qu’on s’adresse à elles avec respect. Elle insiste pour qu’on parle d’elles en disant «Madame», et non pas «la vieille».
Ses notes de retraite comme religieuse, témoignent des résolutions qu’elle a prises. «J’écrase sous le joug et je sens mon incapacité», écrit-elle en avril 1851. «Il faut recommencer une nouvelle vie, il faut que j’aie plus de générosité à correspondre aux desseins de la Providence sur moi.» C’est toujours «sur la bonté et la miséricorde du bon Dieu» qu’elle compte pour assumer les souffrances morales que lui causent ses compagnes, l’attitude de son évêque et le caractère du supérieur ecclésiastique, monsieur Prince. Femme forte, loin de cultiver du ressentiment, elle répond à la souffrance par une charité active.
La force a été une vertu éminente d’Émilie. Son esprit de mortification s’exprime non seulement dans les pratiques de son époque, mais peut-être surtout par la patience avec laquelle elle supporte celles que l’autorité impose à cette femme d’âge mûr, lorsque, par exemple, on lui demande de se détacher du sachet contenant les cheveux de ses enfants qu’elle porte sur elle. Cette femme habituée à gérer sa maison et à mener sa vie en toute indépendance a trouvé la force et l’humilité nécessaires pour s’astreindre aux exigences souvent tatillonnes de la vie religieuse à cette époque.
Lorsqu’elle vit une période d’abandon intérieur total, aux prises avec une profonde désolation spirituelle, – «peu de ferveur, découragement, tentations de toutes sortes, surtout d’antipathie contre quelques soeurs, jugement peu favorable sur leur compte, peine à me supporter moi-même, pensant qu’il était inutile de tant se donner de peine à travailler à sa perfection, découragement complet dans toutes mes actions, faisant absolument que par obéissance mes exercices, et pour ne pas mal édifier la communauté…» – pour se donner du courage, sans doute, elle envoie un billet à sa belle-soeur et l’invite avec son frère François à venir faire avec elle le chemin de la croix et la prière du soir.
Au coeur de cette détresse psychologique et intérieure, elle ne cède pas à l’impatience et accepte la dureté des autres à son égard. Mgr Bourget reconnaîtra lui-même l’avoir «fait passer par de rudes épreuves pour purifier sa vertu». Il avouera «l’obligation qu’il a contractée de révéler, après sa mort, les solides vertus que cachait sa belle âme».
Pour plus de renseignements
Sites Internet :
Français
Dictionnaire biographique du Canada : Blessed Émilie Tavernier-Gamelin
Histoire de la Congrégation des Sœurs de la Providence
Anglais
Dictionary of Canadian Biography: Blessed Émilie Tavernier-Gamelin
The Sisters of Providence: Blessed Mother Gamlin