Lettre au ministre Pierre Pettigrew : Mgr François Thibodeau demande des changements au Programme d'assurance-emploi

mardi le 04 mai 1999


Honorable Pierre S. Pettigrew
Ministre
Développement des ressources humaines
Pièce 507 Édifice de la Confédération
Chambre des Communes
Ottawa, ON K1A OA6

Monsieur le ministre,

À titre de président de la Commission épiscopale des affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), je désire vous exprimer les vives inquiétudes de mes collègues pasteurs qui sont témoins privilégiés des difficultés et des souffrances humaines causées par l’impact de la mise en place du Programme d’assurance-emploi. Je viens aussi plaider en faveur de la modification de ce programme afin qu’il tienne davantage compte des besoins des populations des collectivités de plusieurs régions du pays, en particulier celles de l’Est du Québec et des provinces de l’Atlantique où perdure un taux de chômage élevé.

Certaines observations et certaines conclusions du Rapport de contrôle et d’évaluation du régime de l’assurance-emploi 1998, rendu public récemment, confirment les craintes et les appréhensions exprimées par de nombreuses personnes et organisations lors de la réforme des programmes sociaux entreprise par votre prédécesseur l’Honorable Lloyd Axworthy.  Notre Commission avait exprimé ses craintes dans un message pastoral intitulé: Les pauvres auront-ils à craindre plus que les autres des résultats de la réforme des programmes sociaux ?

Selon ce rapport, «les nouvelles mesures législatives ont eu pour effet de restructurer le régime en profondeur».  Cette transformation du programme a eu pour effet d’exclure un bon nombre de personnes.  En effet, le resserrement des conditions d’admissibilité pénalise les jeunes gens nouvellement arrivés sur le marché du travail et ceux qui occupent des emplois précaires, à temps partiel, les femmes qui tentent de revenir sur le marché du travail après avoir consacré quelque temps aux soins de leurs enfants, ainsi que les travailleurs autonomes.  Ces gens doivent accumuler plus d’heures de travail avant d’avoir droit aux prestations.  Comme le soulignait un commentateur, «il n’est pas normal qu’un régime conçu pour répondre aux besoins de la nouvelle économie exclut les personnes qui sont les principales victimes de cette même économie ?»  Ces lacunes, en particulier celles qui sont discriminatoires à l’égard des femmes de retour sur le marché du travail, doivent être corrigées sans tarder.

Dans plusieurs régions, les effets bénéfiques de la croissance économique et de la nouvelle économie tardent à se faire sentir.  La création d’emploi demeure nettement insuffisante.  À notre plus grand étonnement, le dernier budget fédéral a alloué peu de nouvelles ressources à la création d’emplois à l’exception du programme jeunesse-emploi.  Nous avons aussi noté l’absence de politiques et d’enveloppes budgétaires dédiées au développement régional, un objectif qui semble avoir disparu des priorités gouvernementales.

Dans ce contexte de faible création d’emplois et de chômage élevé persistant, le nouveau Programme d’assurance-emploi, tout en aidant certains travailleurs saisonniers, a accru les difficultés de nombreux travailleurs et travailleuses de ces régions qui n’arrivent tout simplement pas à accumuler le nombre d’heures nécessaires pour avoir droit aux prestations.  Devant des opportunités réduites, ces sans-emploi n’ont trop souvent comme seul choix que de quitter leur milieu d’appartenance.  Ces départs et la perte de revenus fiscaux qui y sont associés viennent affaiblir la vitalité des collectivités de ces régions qui voient diminuer leur capacité financière à maintenir les infrastructures économiques et sociales.

Nous n’ignorons pas l’existence de programmes de développement des collectivités.  Toutefois, le découragement et le désespoir dont plusieurs pasteurs peuvent témoigner, nous incitent à vous demander de procéder, dans les meilleurs délais, à l’examen du Programme d’assurance-emploi.

Selon nous, le Programme doit davantage tenir compte des réalités régionales.  Nous vous demandons d’élaborer et d’apporter, en étroite consultation avec des représentants des organisations de personnes sans-emploi, des représentants des autorités provinciales et locales, des modifications qui répondent davantage aux besoins de ces populations en difficulté.

Recevez, monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses.

Mgr François Thibodeau, c.j.m.
Évêque d’Edmundston
Président de la Commission épiscopale des affaires sociales
de la Conférence des évêques catholiques du Canada


Source : Sylvain Salvas
Directeur du Service des communications
Conférence des évêques catholiques du Canada
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