L’honorable Rob Nicholson
Ministre de la Justice
Chambre des communes
Ottawa, Ontario
K1A 0A6
Monsieur le Ministre,
En tant que président du Comité des droits humains de la Conférence des évêques catholiques du Canada, j’aimerais vous faire part de notre préoccupation au sujet de la situation du citoyen canadien, M. Omar Khadr, détenu à Guantanamo par les autorités américaines depuis 2002.
Le 29 janvier 2010, la Cour suprême du Canada, dans une décision unanime, a conclu que « le Canada a porté atteinte aux droits garantis à M. Khadr par l’art. 7 », mais qu’elle laisse « au gouvernement le soin de décider de quelle manière il convient de répondre au présent arrêt à la lumière de l’information dont il dispose actuellement et de sa respon-sabilité en matière d’affaires étrangères et ce, en conformité avec la Charte (des droits et libertés). »
Quand Omar Khadr fut fait prisonnier le 27 juillet 2002, il n’avait que quinze ans et pouvait être considéré comme un enfant-soldat, comme l’a reconnu le Secrétaire-général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon: « C’est ainsi que le Canadien Omar Khadr est accusé d’infractions pénales qu’il aurait commises à l’âge de 15 ans en Afghanistan alors qu’il aurait été un enfant soldat (…) Malgré l’âge qu’il avait au moment des infractions présumées, les normes internationales de la justice pour mineurs n’ont pas été appliquées. » (Rapport sur les enfants et les conflits armés en Afghanistan, 10 novembre 2008.)
Or, le Canada a signé, le 13 décembre 1991, la Convention internationale des droits de l’enfant, et en juillet 2000, le Protocole facultatif à la Convention internationale des droits de l’enfant. De plus, dans le site Affaires étrangères et commerce international Canada, section Enfants et conflits armés, on peut lire que « le Canada est déterminé à mettre fin à l’utilisation de filles et de garçons soldats et à faire en sorte que les enfants touchés par la guerre dans le monde entier soient protégés. Pour atteindre ce but, il continue de collaborer avec d’autres gouvernements et des organisations internationales afin d’apporter des solutions à ce problème au moyen d’une variété de canaux. La protection et la promotion des droits des enfants sont une préoccupation majeure du gouvernement du Canada. »
Si le Canada reconnaît la réalité des enfants-soldats, il importe de rappeler que leur sens de la responsabilité personnelle peut être gravement affecté en raison d’un endoctrinement idéologique forcé qui fausse leur jugement. C’est pourquoi le Canada a le devoir d’agir en conformité avec sa Charte des droits et des libertés. Même si la Cour confirme « la responsabilité constitutionnelle de l’exécutif de prendre des décisions concernant les affaires étrangères dans le contexte de circonstances complexes et en fluctuation constante, en tenant compte des intérêts nationaux plus larges du Canada », les droits fondamentaux et la dignité de la personne humaine ne peuvent fluctuer, ni être sacrifiés au nom de quelque intérêt que ce soit, car « la personne humaine est, et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales. » (Concile Vatican II, Constitution pastorale L’Église dans le monde de ce temps, 25, 1).
En conséquence, nous vous demandons respectueusement de bien vouloir considérer le rapatriement de M. Omar Khadr au Canada afin qu’il ait droit à un procès juste et équitable.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, mes sentiments les plus distingués.
Mgr Brendan M. O’Brien
Archevêque de Kingston
Président du Comité des droits humains
Conférence des évêques catholiques du Canada
Cc : L’honorable Lawrence Cannon, ministre des Affaires étrangères