Message du président de la CECC : appel pour un réel processus de paix en Afghanistan

vendredi le 08 février 2008


Le parlement fédéral débattra bientôt du rôle du Canada dans le conflit armé qui a cours actuellement en Afghanistan. Ce débat  comportera plusieurs éléments: le Rapport Manley, récemment rendu public, la question des redditions des prisonniers, l’impact de l’effort militaire canadien, l’appui des autres nations membres de l’OTAN, la justice du conflit, son coût terrible en vies humaines, tant celles de nos soldats canadiens que des citoyens afghans.

Les évêques membres du Conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) reconnaissent que la situation est très complexe et que les informations manquent. Ce dont nous sommes certains, par contre, c’est la conviction exprimée par le pape Benoît XVI « que la guerre est la pire des solutions pour tous. Elle n’apporte rien de bon, pour personne, pas même pour ses apparents vainqueurs. »[1]

Ce que désire le peuple afghan, c’est la paix.  Nous souhaitons que les membres du parlement du Canada gardent cette conviction au cœur de leurs délibérations. Les considérations d’ordre politique ou électoral sont secondaires lorsqu’il s’agit de l’avenir d’un peuple et de vies humaines. Nous invitons les parlementaires à mettre de côté leurs positions préétablies  et à reconnaître que la vérité est à rechercher ensemble. La diversité des points de vue doit être accueillie comme une richesse possible pour l’élaboration d’un plan d’action concret et positif, mais dont le but ultime est l’établissement de la paix.

Depuis des siècles, l’Église catholique a élaboré une doctrine sociale riche de sagesse  dont certains éléments pourraient contribuer à cette discussion. J’en énumère trois qui découlent de cet enseignement:

  1. « Il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice. »[2] Des négociations de paix, réalisées de bonne foi et qui impliquent toutes les parties en présence, constituent une voie à privilégier.
  2. Il faut faire une nette distinction entre les opérations militaires et l’aide humanitaire. En particulier, « il est nécessaire que l’aide humanitaire atteigne la population civile et ne soit jamais utilisée pour conditionner les bénéficiaires. »[3] Autrement, nous mettons en péril la vie de nombreuses communautés civiles, de même que celle des travailleurs humanitaires, devenus des cibles pour les insurgés.
  3. Il faut protéger la dignité humaine des soldats canadiens. Leur intégrité morale est mise en cause quand le droit international n’est pas respecté, surtout à l’égard de la question vexante de la torture des prisonniers de guerre. De plus, il faut assurer le bien-être personnel de nos soldats et de leurs familles.

Enfin, à la lumière des recommandations du Rapport Manley[4]. nous demandons au gouvernement du Canada de faire  preuve d’une plus grande transparence à l’égard des enjeux concernant le conflit en Afghanistan. Une information plus complète et de meilleure qualité de la part de notre gouvernement permettrait aux citoyens et citoyennes de notre pays de mieux comprendre le but, les enjeux, les modalités du conflit en Afghanistan et de mieux évaluer l’engagement de nos forces armées et des organismes humanitaires canadiens. Cette information est essentielle si l’on veut ensemble prendre des décisions qui permettront de faire progresser une paix réelle et durable dans ce pays.

J’invite nos représentants politiques à se rappeler ce qu’ajoutait Benoît XVI dans sa déclaration: « … que l’unique solution est d’apprendre à vivre ensemble… Les hommes politiques doivent trouver les moyens pour que cela puisse se réaliser le plus vite possible et surtout d’une manière durable. »[5] Il nous apparaît nécessaire qu’un réel débat s’effectue sur le rôle du Canada en Afghanistan qui fera place aux enjeux fondamentaux qui affligent le peuple afghan.

J’invite également toute personne de foi à prier avec moi pour que le peuple afghan retrouve la paix et la sécurité; que les familles des soldats qui ont donné leur vie trouvent la consolation; que nos dirigeants politiques tiennent un débat sérieux qui permettra aux Canadiens et aux Canadiennes de décider du rôle du Canada en Afghanistan.


[1] Entretien du pape Benoît XVI en préparation du voyage apostolique à Munich, Altötting et Ratisbonne (9 au 14 septembre 2006), Palais pontifical de Castelgandolfo, 5 août 2006

[2] Compendium de la doctrine sociale de l’Église, no 497, LEV- Éditions de la CECC 2006

[3] Ibid, no 504

[4] Groupe d’experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan – Rapport final, recommandation no5, p.48

[5] Entretien du pape Benoît XVI en préparation du voyage apostolique à Munich, Altötting et Ratisbonne (9 au 14 septembre 2006), Palais pontifical de Castelgandolfo, 5 août 2006