Ordonnances émises par la Conférence des évêques catholiques du Canada en vue d'une mise en application judicieuse de la Constitution Apostolique Ex Corde Ecclesiae

jeudi le 07 juillet 2005


PRÉAMBULE

Dès ses origines, l’Église catholique au Canada s’est efforcée d’offrir aux peuples indigènes et aux colons catholiques la possibilité de faire des études supérieures. Au fil des générations, prêtres, religieuses, religieux et laïques ont uni leurs efforts pour préserver et cultiver ce précieux héritage pédagogique.  La demande reste élevée : le public – catholique et non catholique – continue de rechercher les services qu’offrent les institutions catholiques d’enseignement post-secondaire.

L’intérêt universel de l’Église pour l’enseignement supérieur continue de s’affirmer et il se reflète dans l’histoire particulière des collèges et des universités catholiques au Canada. Il est clair que la société canadienne apprécie cette contribution au bien-être de notre milieu, comme en témoigne le soutien financier que lui accordent la plupart des instances publiques ainsi que des donateurs privés.

Tandis que le nombre de ceux et de celles qui poursuivent des études supérieures semble destiné à continuer d’augmenter dans les prochaines décennies, et à l’heure où des programmes de formation sont offerts aux pauvres, aux personnes retraitées et à divers autres groupes, les institutions catholiques d’enseignement supérieur au Canada sont prêtes à répondre aux besoins de la société et de l’Église. Le dialogue entre la foi et la raison au niveau universitaire ne profitera pas seulement à l’ensemble de la société, mais il servira également la mission de l’Église en favorisant l’éducation et la formation de la foi des jeunes, la réflexion théologique sur des enjeux culturels prioritaires et la formation d’un laïcat capable d’assumer dans l’Église des fonctions et des services particuliers (dans des domaines tels que la catéchèse, la pastorale des malades et des détenus, la bonne gestion des paroisses, etc.)

Institutions catholiques canadiennes d’enseignement

Au Canada, les universités et les collèges universitaires catholiques évoluent dans un cadre institutionnel juridique et culturel complexe qui détermine leurs programmes et activités d’enseignement, peu importe que ces institutions soient autonomes ou rattachées formellement à une institution universitaire constituante.  Certains des collèges universitaires et des universités catholiques du Canada sont des institutions autonomes, au sens où ils n’ont aucune affiliation formelle à une université publique d’une province, à caractère séculier; les autres collèges et universités qui restent sont fédérés ou affiliés à une université constituante qui fait partie d’un système universitaire provincial.  Quelques-unes de ces institutions dispensent de l’enseignement dans un vaste éventail de matières académiques.  D’autres, par contre, concentrent leurs activités dans les domaines d’intérêt catholique plus traditionnels comme l’éducation chrétienne, la philosophie, et des disciplines de même ordre.  La culture catholique, la tradition intellectuelle et les questions spirituelles connexes de chaque institution seront traitées dans le cadre particulier dans lequel elles s’insèrent, par l’intermédiaire des cours, de l’aumônerie et de l’ambiance catholique générale que tous les membres de la communauté académique concourront à maintenir et à développer (ECE, nos 13, 14; art. 2 §4; art. 4 §1).

Compétence des provinces en matière d’éducation

En vertu de la Constitution canadienne, ce sont les provinces qui ont compétence en matière d’éducation.  Elles décident du nombre et du caractère des universités par l’octroi de chartes, en statuant sur les dispositions essentielles de leurs actes d’incorporation et en assurant la plus grande partie de leur financement.  Tous les collèges universitaires et universités catholiques au Canada ont une population étudiante pluraliste au plan religieux.

Normes de pratique universitaire généralement acceptées

Tenant compte des traditions catholiques basées sur l’excellence et l’ouverture à la diversité des cultures, les institutions catholiques doivent respecter les normes de la pratique universitaire et les normes reconnues au Canada.  Elles se doivent aussi de respecter les droits linguistiques et les aspirations culturelles des Canadiens.

De plus, en se rattachant à une université provinciale, presque tous les collèges universitaires et universités fédérées ou affiliées utilisent habituellement les programmes d’enseignement et règlements académiques établis par l’assemblée universitaire et les corps législatifs de l’université constituante.

Réseau universitaire canadien

Le Canada dispose d’un réseau universitaire fort étendu et diversifié qui favorise l’excellence dans l’enseignement et le professionnalisme du corps enseignant.  Pour les institutions catholiques, l’adhésion à ces normes constitue une garantie importante, sinon essentielle, de compétence professionnelle au niveau universitaire (ECE, no 37; art. 7).

Rôle des autorités ecclésiastiques

Afin de pouvoir jouer le rôle pastoral qui lui est propre auprès de l’institution et de s’assurer que se maintienne son caractère catholique, l’évêque diocésain ou l’autorité ecclésiastique compétente devrait, après consultation et avec l’aide des autorités universitaires concernées, établir avec celles-ci des formes de collaboration régulière.  Une telle collaboration n’est pas seulement un idéal, mais elle s’inscrit également dans une tradition canadienne consacrée par l’usage et éprouvée par le temps.  En général, d’après la loi, l’autorité administrative interne dans les universités et les collèges universitaires est confiée à des comités de fiduciaires laïcs où la tradition veut que siège(nt) un(e) ou plus d’un(e) représentant(e)s catholiques, clercs ou laïcs.

En 1985, pour promouvoir le dialogue et faciliter la planification sur des questions d’intérêt commun, les responsables des institutions concernées constituaient une Association des collèges et universités catholiques du Canada (ACUCC).

Pour sa part, la Conférence des évêques catholiques du Canada se reconnaît le droit et l’obligation de promouvoir les universités et collèges catholiques et d’en favoriser l’excellence grâce à un leadership pastoral et à des signes d’appui.  De par leur caractère catholique, ces institutions doivent se maintenir en lien étroit avec les évêques du pays, de manière ajustée à leur profil académique, et assumer leur part de la mission commune de l’Église, en particulier l’œuvre de l’évangélisation, de l’éducation d’une foi adulte et du sens moral, ainsi que le dialogue de la foi avec la culture contemporaine (ECE, nos 43-49).

ORDONNANCES POUR LA MISE EN APPLICATION DE LA CONSTITUTION APOSTOLIQUE EX CORDE ECCLESIAE

Art. 1 – La nature des présentes Ordonnances

§ 1– Nonobstant toute loi particulière, coutume ou privilège contraires, les présentes Ordonnances s’appliquent à toutes les universités, collèges universitaires et autres institutions catholiques d’enseignement post-secondaire sur le territoire de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

§ 2 – Les Normes générales de la Constitution apostolique ainsi que les présentes Ordonnances seront communiquées aux conseils des gouverneurs des différents collèges et universités.

§ 3 – Les Normes de la Constitution apostolique seront annexées aux statuts et règlements ou autres documents analogues de l’institution.

§ 4 – Il revient à l’autorité ecclésiastique compétente de voir à la mise en application des présentes Ordonnances, en particulier en ce qui a trait à la préservation du caractère catholique des collèges et universités, compte tenu des statuts de l’institution et, selon ce qui sera possible et préférable, de la législation civile qui la régit.

Art. 2 – La nature de l’université catholique

En vertu de son engagement institutionnel catholique et conformément aux dispositions de la Constitution apostolique Ex Corde Ecclesiae (Art. 2 § 3), tout collège ou université catholique devra disposer d’un énoncé de mission ou d’un autre document public, préparé en consultation avec les autorités ecclésiastiques compétentes, où l’on précisera :

1)         le caractère catholique de l’institution;

2)         sa mission éducative;

3)         sa politique institutionnelle.

Art. 3 – L’érection d’une université catholique

§ 1 – Toute demande officielle visant à obtenir l’érection d’une université ou d’un collège catholique, qu’elle émane d’une personne privée ou d’une personne juridique civile ou ecclésiastique, devra être présentée à l’évêque du diocèse où se trouve le siège social de l’institution.

1)         Cette demande comprendra:

–           les motifs justifiant la reconnaissance de l’université ou du collège comme institution catholique;

–           les sources de financement;

–           les programmes d’enseignement;

–           les politiques institutionnelles concernant le corps enseignant et la population étudiante;

–           la façon dont l’institution entend se conformer aux Normes de la Constitution apostolique et aux présentes Ordonnances.

2)         On devra joindre à la demande:

–           le texte des statuts;

–           le texte de l’énoncé de mission;

–           une liste des membres du corps professoral;

–           une description de la bibliothèque et une indication des ressources financières prévues pour en assurer la croissance;

–           l’avis de l’Association des collèges et universités catholiques du Canada touchant l’institution présentée.

§ 2 – Si une telle demande est soumise à une assemblée d’évêques de la même province civile, elle ne pourra être acceptée sans l’accord préalable de l’évêque du lieu où se trouve le siège social de l’université.

Art. 4 – La communauté universitaire

§ 1 – Les obligations spécifiques découlant du caractère catholique de l’institution seront communiquées aux candidats retenus, catholiques et non catholiques, au moment de leur engagement. On s’attend à ce que tous et toutes favorisent, ou du moins respectent, la tradition et le caractère catholiques de l’institution, tels qu’ils ressortent de son énoncé de mission (ECE, Art. 4 § 2).

§ 2 – À cette fin, le personnel administratif et les professeurs recevront le texte de l’énoncé de mission de l’institution et de ses politiques institutionnelles, ainsi qu’un exemplaire de l’annuaire où sont exposées ses priorités éthiques.

§ 3 – Afin de maintenir et de préserver leur caractère librement choisi, les collèges et universités catholiques exprimeront clairement leur option catholique dans leurs documents officiels et verront à traduire dans la pratique leur attachement à ce qui fait la vie intellectuelle catholique, notamment à la liberté académique qui en est une composante essentielle. On veillera aussi à se mettre au service d’autrui, en particulier des membres pauvres, défavorisés et vulnérables de la société, à offrir des cours aux étudiants sur les principes moraux et religieux du catholicisme en les appliquant à des enjeux importants, tels, la vie humaine et les autres problèmes de justice sociale, à offrir un accompagnement pastoral aux étudiants, aux professeurs, à la direction et au personnel, à susciter sur le campus une culture et un environnement qui reflètent et favorisent un mode de vie catholique.

§ 4 – Les institutions catholiques d’enseignement post-secondaire veilleront à offrir des cours qui aideront les étudiants à approfondir leur connaissance de la tradition catholique et à développer leur aptitude à pratiquer un discernement moral sûr. La théologie catholique occupera une place importante dans les programmes (C.I.C. 811; ECE, #19, Art. 4 § 5).

§ 5 – Ces institutions s’efforceront de recruter des professeurs reconnus pour leurs qualités pédagogiques, affichant des mœurs exemplaires et munis des diplômes universitaires appropriés, de manière à nommer des maîtres qui s’imposent par leur intégrité doctrinale et la probité de leur vie.

§ 6 – Tout en respectant les procédures en vigueur pour l’engagement et la rétention de professeurs qualifiés sur le plan professionnel, le collège ou l’université s’efforcera de nommer des catholiques résolus à témoigner de leur foi comme professeurs et cadres supérieurs de sorte que, dans la mesure du possible, les personnes prêtes à témoigner de la foi constituent un nombre significatif. Tous les professeurs devront faire preuve non seulement de compétence académique, mais aussi d’une réputation exemplaire. Des professeurs catholiques, on s’attend à ce que dans leur recherche et leur enseignement, ils accueillent fidèlement la doctrine et la morale catholique, tout comme on attend du personnel non catholique le respect de ces valeurs. Si ces qualités venaient à manquer, les statuts du collège ou de l’université fixeront une procédure juste et équitable pour remédier à la situation et satisfaire aux objectifs du présent Article (cf. C.I.C., can. 810  § 1).

§ 7 – Les professeurs catholiques qui enseignent les disciplines théologiques sont tenus, en vertu du droit canonique, d’obtenir le mandat approprié de l’évêque du diocèse et on compte qu’ils l’auront reçu (C.I.C., can. 812).

Art. 5  – L’université catholique au sein de l’Église

§  1 – Le devoir de vigilance mentionné dans le Code de droit canonique (can. 810 § 2) et dans la Constitution apostolique (ECE, Normes générales, 4 § 1; 5 § 2) est exercé par l’évêque du diocèse ou par les évêques diocésains concernés qui ont reconnu l’institution. Dans le cas des universités mentionnées à l’Art. 3, § 2 de la Constitution apostolique, ce devoir est assuré, compte tenu des canons 586 et 678, par l’évêque du diocèse et par les évêques diocésains concernés.

§  2 – Au niveau des communications formelles, les statuts préciseront de quelle manière l’autorité ecclésiastique sera informée de la marche et de la progression de l’institution (conformément à ce qui est établi par l’Art. 5 § 3 de la Constitution apostolique ECE).

§  3 – L’autorité ecclésiastique compétente et les autorités du collège et de l’université observeront les procédures approuvées pour le règlement des différends en matière de droit ou de doctrine ecclésiastiques. Chaque fois que la chose sera possible, les différends doctrinaux seront réglés de manière informelle (cf. C.I.C. § 1733). Le dialogue doctrinal pourra éventuellement favoriser le règlement de ce genre de questions.

Art. 6 – Le ministère pastoral

§ 1 – Chaque collège ou université veillera à fournir des services d’aumônerie pour répondre aux besoins pastoraux de la communauté universitaire (ECE, nos. 38-42; Art. 6 § 1).

§ 2 – Une fois que le collège ou l’université aura présenté le nom d’un candidat, l’évêque du diocèse désignera un prêtre ou un clerc pour exercer la fonction d’aumônier. Selon la coutume établie, des laïques seront nommés à la pastorale universitaire (C.I.C., can. 813; ECE, Art. 6, § 2). Les agents de pastorale universitaire membres d’un institut  religieux ou d’une société de vie apostolique devront en outre être recommandés par leur supérieur majeur.

Art. 7 – Coopération

§ 1– Les institutions catholiques doivent s’efforcer de coopérer entre elles par le biais de l’Association des collèges et universités catholiques du Canada ainsi qu’avec les facultés ecclésiastiques et les séminaires qui pourraient ne pas en faire partie et avec les autres universités et facultés catholiques et ecclésiastiques à l’étranger. On encourage aussi les institutions catholiques et leur personnel à se joindre à leurs homologues des institutions publiques et privées au sein de corporations professionnelles.

§ 2 – En collaborant avec les organismes gouvernementaux, les associations régionales et les autres universités, les universités catholiques devront donner un témoignage institutionnel qui mette en évidence l’enseignement social de l’Église et ses principes éthiques dans des domaines tels que la promotion de la paix et de la justice, le respect de toute forme de vie humaine, l’éradication de la pauvreté et de la discrimination injuste, le développement des peuples et la croissance de la culture.

§ 3 – Les universités catholiques devraient s’engager à coopérer d’une manière spéciale avec les autres institutions et associations professionnelles catholiques au Canada et à l’étranger afin de contribuer à la construction de la communauté universitaire catholique universelle.

Conclusion

Les présentes Ordonnances pour la mise en application de la Constitution apostolique Ex Corde Ecclesiae ont été approuvées par la Conférence des évêques catholiques du Canada, le 17 octobre 2003, conformément à l’Art. 1 § 2 des Normes générales de la Constitution; alors que la version de langue anglaise a été révisée par le Siège apostolique le 18 août 2004, la version de langue française a reçu le nihil obstat le 11 décembre 2004.