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Pensionnats indiens et la Commission de vérité et réconciliation

Brève histoire des pensionnats indiens

La participation catholique à la fondation et à l’opération des pensionnats indiens s’insère dans une longue tradition d’engagement catholique dans les domaines de l’éducation, de la santé et du ministère spirituel auprès des Canadiens autochtones et non autochtones.

Mis en place par le gouvernement fédéral au dix-neuvième siècle, le système des pensionnats indiens fut dès lors financé essentiellement par des fonds publics, supervisé par des agents du gouvernement et opéré principalement par diverses Églises chrétiennes – notamment par des diocèses et des communautés religieuses catholiques. Le système des pensionnats indiens se fondait, en principe, sur l’obligation pour l’État de fournir des services d’éducation aux enfants autochtones; en pratique, cependant, la politique a souvent visé à assimiler une population dans laquelle on ne voyait à tort qu’un obstacle au progrès du pays.

Depuis quelques décennies, les coûts humains du système des pensionnats indiens ont été mis en lumière, même si on n’en a pas encore saisi toute la mesure. Si plusieurs anciens élèves ont parlé positivement de leur expérience dans certaines écoles, plusieurs autres évoquent aujourd’hui des souvenirs et un héritage beaucoup plus douloureux, comme l’interdiction des langues et des coutumes autochtones ou encore des pratiques et des cas de violence affective, physique et sexuelle.  En dépit de cette souffrance, plusieurs anciens élèves, tel David Frank, continuent de chercher et de trouver des moyens de guérir les blessures causées par la violence subie dans certains pensionnats : « Je me suis rappelé que si vous aimez tout le monde, vous n’avez pas d’ennemis… J’ai compris qu’il me fallait… aimer la personne qui m’a fait mal»1, a-t-il dit.

Rose Prince est une des personnes qui ont vécu une expérience positive dans un pensionnat indien. Elle est présentée dans le message de la Journée nationale de prière pour les peuples autochtones de 2011.

Appelé à revenir sur son expérience, le personnel qui a travaillé dans les pensionnats formule des évaluations qui vont de très positives à très négatives. « Même si de nombreux catholiques ont consacré leur vie à prodiguer une bonne éducation dans ces écoles, ils étaient placés devant de « terribles difficultés », comme par exemple les différences culturelles, un financement inadéquat, les failles et les manquements humains et ‘des cas d’exploitation et de cruauté’»2. En fin de compte, « les révélations troublantes à l’égard de certains abus commis dans des écoles-pensionnats nous ont notamment fait faire un sérieux examen de conscience »3 comme Église et comme pays.

Dans une allocution prononcée en 1969 devant des personnes qui travaillaient dans des pensionnats indiens, le père Yvon Levaque, O.M.I., a utilisé des mots qui continuent d’avoir un écho encore aujourd’hui.  Dans le langage de l’époque, il déclara ce qui suit:

« La fausseté de notre manière de penser actuelle, c’est de supposer que nous avons raison, que notre approche est meilleure parce que nous sommes blancs, instruits et membres de la société dominante. Ici et maintenant, purgez votre esprit de ce cancer… L’Indien et l’homme blanc sont deux éléments distincts de la société juste qui doivent travailler de concert et s’entraider réciproquement… Par conséquent, ce n’est pas seulement l’homme blanc qui doit aider l’Indien, mais aussi l’Indien qui doit aider l’homme blanc… Jusqu’à maintenant, l’évolution de la société canadienne ne s’est faite qu’en fonction du désir de l’homme blanc… Aussi pourrait-on comparer notre démarche à celle d’un homme qui essaierait d’avancer sur une seule jambe»4.

« L’histoire des relations entre les populations autochtones et allochtones a été jalonnée tantôt par des gains tantôt par des pertes.  Les missionnaires ont notamment vécu parmi les peuples autochtones, partageant leur vie, leurs joies ainsi que leurs peines, et aidant à les instruire et à les guérir.  Un grand nombre de missionnaires ont en outre contribué de façon importante à la conservation et à la revitalisation des cultures et des langues autochtones. Il y a donc lieu pour l’Église catholique et les peuples autochtones de se réjouir de ces acquis historiques à partir desquels ils peuvent construire ensemble l’avenir.  Nous sommes toutefois vivement conscients de ce qui a été perdu et cela nous préoccupe au plus haut point»5.


1Peter Tockland, « David Frank’s healing journey », Times Colonist, p. D10, 7 novembre 2010. (Traduit de l’anglais par la CECC)
2Deborah Gyapong, « Canada’s First Nations leader hopes meeting with Pope is turning point », Catholic News Service, http://www.catholicnews.com/data/stories/cns/0901760.htm, 17 avril 2009
3CECC (1995): La justice comme un fleuve puissant, p. 16
4Tiré d’une allocution prononcée en août 1969 à une réunion d’éducateurs travaillant dans des résidences et des foyers indiens par le père Yvon Levaque, missionnaire oblat, ancien directeur d’un pensionnat indien et directeur du Conseil oblat des œuvres indiennes et esquimaudes. Reproduit avec l’autorisation des Archives Deschâtelets. (Traduit de l’anglais par la CECC)
5CECC (1995): La justice comme un fleuve puissant, p. 20